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Deux étudiantes à Kazan

Le bilinguisme de Kazan

27 Mai 2015, 17:55pm

Publié par Kazanova

Le bilinguisme de Kazan

Dans le Tatarstan, tout le monde parle un minimum tatar puisqu'il est enseigné à l'école. Tout le monde parle aussi un minimum russe, même dans les coins les plus reculés de la République où vivent en grande majorité les Tatars. Le russe et le tatar sont les deux langues maternelles de beaucoup d'habitants de la région.

Dans quelle langue parle-t-on, alors ?!

Question simple, réponse simple : ça dépend. Plusieurs critères sont à prendre en compte quand on parle, même en français : à qui s'adresse-t-on et quel registre employer, de quoi va-t-on parler, à quoi va servir la prise de parole etc. En gros, on ne va pas utiliser la langue des djeun's pour demander une augmentation à son patron (quoi que...).

Cette division se fait aussi au Tatarstan. Et le choix de l'interlocuteur est primordial puisque la langue crée un lien entre les deux personnes. Entre Russes, la question ne se pose pas : on parle russe. (après, si on ne connait pas la personne à qui on s'adresse, ça sera en tatar dans les contrées lointaaaaaines et en russe ailleurs, grossièrement) Entre Tatars, par contre, on peut remarquer une hésitation. Là, les critères sociaux sont super importants : l'emploi du tatar donne une atmosphère plus détendue à la conversation, rapproche les deux interlocuteur, tandis que le russe, neutre, marque un cadre officiel, installe une distance. Lorsqu'il s'agit d'un groupe de personnes, on privilégiera la langue comprise par la majorité. Le président Rustam Minnikhanov s'adresse à ses citoyens en tatar pour marquer la proximité, mais les médias utilisent le russe. Donc selon l'impression qu'ils veulent donner, les Tatars emploieront soit le tatar, soit le russe.

Après, tout dépend aussi du prestige de la langue. Certains préféreront naturellement parler en russe parce que cette langue est plus utile (CEI, ONU, Fédération de Russie entière), plus jolie, plus apte à exprimer ce qu'on veut et parler d'un sujet plus pointu comme l'économie, la justice etc. A l'inverse, d'autres considèrent que la langue tatare embellit notre vision du monde, la culture tatare étant plutôt vivante et optimiste (le mot назад, "auparavant", n'existe pas en tatar !) contrairement à la culture slave, considérée comme froide.

Alphabet tatar en arabe, puis en cyrillique (1939) puis en latin (1999 - mais non mis en pratique).Alphabet tatar en arabe, puis en cyrillique (1939) puis en latin (1999 - mais non mis en pratique).Alphabet tatar en arabe, puis en cyrillique (1939) puis en latin (1999 - mais non mis en pratique).

Alphabet tatar en arabe, puis en cyrillique (1939) puis en latin (1999 - mais non mis en pratique).

Les habitants du Tatarstan pratiquent en grande majorité le code-switching et code-mixing. Qu'est ce c'est que ça ? Le code-switching est le fait de changer de langue durant un discours, et le code-mixing est le fait d'intégrer des éléments (mot, expression) d'une autre langue dans son discours.

Parler purement russe ou tatar montrerait plusieurs choses : la maîtrise et l'aisance du locuteur à parler dans cette langue, l'appartenance ethnique et le désir de conserver sa langue (surtout chez les nationalistes), le caractère soutenu d'une conversation. Cette situation concerne beaucoup plus les adultes.

Mais au quotidien, la règle du moindre effort prône, et c'est là qu'arrivent nos chers code-mixing et code-switching. Si un mot est trop long dans une langue, on va le dire dans l'autre; lorsqu'une notion n'est pas conceptualisée dans une langue, on va l'employer dans l'autre pour éviter les périphrases... On utilise le code-mixing pour insister sur son appartenance ethnique, rendre comique la situation, appuyer sur un mot (souvent lorsque c'est un reproche).

On utilise le code-switching pour rendre inintelligible une conversation à des inconnus ou lorsqu'on partage un secret en présence de personnes. Cela montre aussi le caractère spontané d'une conversation et l'aisance du locuteur à parler d'un certain sujet dans cette langue (on bascule souvent en russe pour parler d'économie par exemple).

Cependant, bien que les deux langues cohabitent ensemble depuis longtemps, elles ne s'influencent pas beaucoup. 15 à 20% des mots tatars sont des emprunts (pas que du russe), certes, mais au sein du système, il n'y a pas d'intrusion. Il arrive de rajouter des terminaisons tatares aux mots russes, mais cette pratique reste mal vue, tout comme utiliser l'ordre des mots russe en tatar. Seuls les mots rentrent dans le vocabulaire de l'autre langue.

Donc la situation linguistique se maintient.

Poutine à fond... C'est l'effet татар теле.

Poutine à fond... C'est l'effet татар теле.

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